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[Communiqué] Des fibres optiques et des capteurs in situ pour des batteries plus intelligentes et plus performantes

Les batteries sont aujourd’hui utilisées pour un grand nombre d’applications (appareils portatifs, mobilités électriques, stockage des énergies renouvelables…). Dans nos sociétés modernes où la gestion de l’énergie devient un enjeu essentiel, cette technologie revêt plus que jamais une importance particulière. Chercheurs et industriels cherchent notamment à assurer la sécurité et la fiabilité de ces systèmes de stockage en développant des outils permettant de suivre de l’intérieur l’évolution des batteries. Ces avancées ouvrent la voie des batteries intelligentes du futur. Une équipe internationale (Collège de France, CNRS, Hong Kong Polytechnic University, MIT, Dalhousie University) a adopté une approche transdisciplinaire et encore peu explorée : celle d’incorporer des fibres optiques munies de capteurs dits « de Bragg » dans des cellules de format 18650.

L’innovation réside ici dans l’exploitation des signaux optiques obtenus pour décoder les événements thermiques et chimiques ayant lieu au sein de la batterie (i.e. génération de chaleur et transformations de structures).

Dans un article publié dans la revue Nature Energy, les chercheurs montrent qu’une analyse avancée des informations captées (décalage des longueurs d’onde) par les fibres permet de connaître en temps réel, et à la demande, l’état de santé des batteries.

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Actuellement, les « packs » batteries commercialisés sont dotés de capteurs de température positionnés au niveau du module (ensemble de cellules) et non des cellules elles-mêmes. Cette configuration conduit à des systèmes de gestion de batteries (BMS) très conservateurs et, au final, peu efficaces puisque les capteurs installés ne nous informent jamais de ce qui se passe réellement à l’intérieur des cellules en cas de surchauffe ou d’emballement thermique », explique Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France, auteur référent pour l’étude et directeur du laboratoire Chimie du solide et énergie (Collège de France/CNRS/Sorbonne Université).

L’utilisation intelligente de fibres optiques permettant d’obtenir une image en température de l’intérieur de la batterie, mais aussi d’appréhender les flux de chaleur selon son utilisation, pourrait permettre la conception de systèmes de refroidissement plus performants. Par conséquent, les systèmes BMS ainsi développés pourraient permettre d’approcher les limites théoriques de technologies déjà existantes.

S’introduire dans la vie privée des batteries

Une fois la fibre optique insérée dans une cellule de batterie, l’expérimentateur reçoit une information de la fibre sous la forme d’une onde lumineuse, appelée longueur d’onde d’absorption, dont la fréquence et l’amplitude changent lorsque la température et la pression varient. Par leurs travaux, les chercheurs savent maintenant découpler le signal grâce à l’emploi des fibres optiques microstructurées et estimer qualitativement la part des variations due à chaque paramètre physique.

« Notre travail se distingue justement des autres par un agencement spécifique de trois fibres qui nous permet d’avoir accès aux paramètres thermodynamiques de la batterie. Les paramètres obtenus par cette calorimétrie optique sont essentiels au suivi de l’état de santé de la batterie et donc à l’optimisation de sa durée de vie », précise le Dr Jiaqiang Huang, post-doctorant au Collège de France et premier auteur de l’article.

« De plus, nous corrélons maintenant ces changements physiques observables aux événements chimiques qui ont lieu dans la batterie en fonctionnement, ajoute Laura Albero Blanquer, doctorante au Collège de France et deuxième autrice. Les cellules dans les packs batteries étaient jusqu’à maintenant des boîtes noires. »

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Laura Albero Blanquer (gauche) et Dr. Jiaqiang Huang (droite)

Concrètement, les informations chimiques récupérées par les chercheurs leur permettent de mieux comprendre les réactions parasites nuisant au fonctionnement de la batterie ainsi que les dynamiques de formation et de croissance des interfaces électrodes/électrolytes, La formation de ces nouvelles phases aux interfaces aussi appelés SEI (Solid Electrolyte Interphase) est une étape critique pour les industriels lors de la production des cellules car la nature et la structure de la SEI vont influencer la durée de vie des batteries. Maîtriser l’évolution de ces interfaces devient alors un enjeu essentiel pour les industriels.

« Les avancées techniques et scientifiques mises en avant par notre travail ont été rendues possibles par la convergence de deux domaines d’expertises, celui de la science des batteries et celui de l’ingénierie des capteurs optiques, complète Hwa-Yaw Tam, professeur à la Hong Kong Polytechnic University et spécialiste des capteurs optiques. Ces fibres ont en plus une excellente stabilité chimique et peuvent facilement être utilisées à une échelle industrielle, ce qui font d’elles des candidats idéaux pour d’autres types d’applications dans l’industrie de l’énergie. »

Cette approche est d’autant plus prometteuse que les auteurs de l’étude ont déjà commencé à l’étendre à d’autres systèmes de stockage de l’énergie (batteries alcalines, piles à combustible et supercondensateurs) et à l’utiliser dans d’autres domaines (catalyse ou électrolyse de l’eau pour la production d’hydrogène).

Les auteurs de l’étude ont bénéficié de l’aide de Faurecia, IDL et Tiamat et du soutien de deux fédérations de recherche, le DIM Respore et le RS2E (Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie) sous tutelle du MESRI et du CNRS.

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Références :

Operando decoding of chemical and thermal events in commercial Na(Li)-ion cells via optical sensors Jiaqiang Huang et al.

DOI : 10.1038/s41560-020-0665-y