Comprendre et optimiser la « redox anionique » grâce à la théorie
L’étude de la « redox anionique » suscite depuis plusieurs années l’enthousiasme de la communauté scientifique des batteries. Maîtriser ce phénomène permettrait en effet d’accroître les densités d’énergie des systèmes de stockage et améliorer ainsi l’autonomie des batteries. Une équipe de chercheurs de l’ICGM et du Collège de France, tous membres du RS2E, s’est appuyée sur des outils théoriques pour comprendre les mécanismes et les limitations de la redox anionique et optimiser ainsi son utilisation comme levier pour augmenter la densité d’énergie des batteries.
Augmentation de la capacité en charge contre irréversibilité en décharge : C’est le défi que pose la redox anionique et qui intéresse de nombreux chercheurs. En effet, si la redox anionique pouvait être efficacement combinée à la redox cationique classique, elle permettrait théoriquement d’augmenter l’autonomie des batteries de 20 %, en doublant la capacité de charges stockées dans l’électrode positive (cf. article)
Malheureusement, la redox anionique s’accompagne généralement d’une déstabilisation de la structure des matériaux, ce qui conduit à une irréversibilité du premier cycle de charge/décharge, à une chute de capacité et de potentiel, à une migration cationique et à un dégazage d’oxygène.
Pour tenter de comprendre l’origine de cette irréversibilité et proposer des recettes pour améliorer les performances des électrodes, une équipe de chercheurs, menée par Marie-Liesse Doublet de l’ICGM, a recouru aux outils conceptuels et computationnels de la chimie théorique pour identifier des descripteurs chimiques et électroniques permettant aux expérimentateurs de mieux contrôler la réversibilité des réactions électrochimiques impliquant les anions. Leurs conclusions détaillées sont à retrouver dans un article publié le 18 mars 2019 dans la revue Nature Materials (link is external).
Faire des concessions
Pour limiter ou supprimer les irréversibilités causées par la redox anionique dans les oxydes de métaux de transition enrichis en alcalin (Li ou Na), des études précédentes ont proposé d’augmenter la covalence des liaisons métal-oxygène, de substituer le métal de transition par un élément inactif électrochimiquement ou encore de créer du désordre cationique dans les structures de ces matériaux.
Contrairement à ces affirmations, l’étude menée par l’équipe du RS2E montre que le paramètre critique qui gouverne la réversibilité de la redox anionique est le nombre de trous par oxygène généré en charge. Si ce nombre reste inférieur à la valeur critique de 1/3, la redox anionique est prédite parfaitement réversible, sans dégazage d’O2.
Autre conclusion, il est préférable d’élaborer des électrodes tridimensionnelles, plutôt que bidimensionnelles, pour éviter les instabilités structurales bien connues des structures lamellaires pour des faibles teneurs en Li ou Na.
Néanmoins, les auteurs de l’étude rappellent que le nombre de matériaux répondant à l’ensemble de ces critères tout en étant peu coûteux, non-toxiques et basés sur des éléments abondants reste très limité et que la composition idéale reste à trouver pour exploiter la redox anionique au niveau industriel
Entre haut potentiel, haute capacité et stabilité structurale, il faudra donc surement choisir….
Références :
Unified picture of anionic redox in Li/Na-ion batteries
Mouna Ben Yahia, Jean Vergnet, Matthieu Saubanère, Marie-Liesse Doublet
Nature Materials, 18/03/19, DOI : 10.1038/s41563-019-0318-3
Contact : Marie-Liesse Doublet, marie-liesse.doublet@umontpellier.fr / Matthieu Saubanère, matthieu.saubanere@umontpellier.fr