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Des fibres mettent en lumière la « boîte noire » des batteries au soufre

Le développement de batteries à la fois puissantes, sûres et écologiques est l’orientation clé des industries de l’énergie pour répondre à une demande mondiale croissante et aux enjeux planétaires. Parmi les dispositifs de stockage d’énergie de la prochaine génération, les batteries au soufre sont théoriquement attrayantes en raison de leur densité énergétique élevée (2600 Wh/kg, contre 100 pour une batterie lithium-ion), de leur non-toxicité et de l’abondance des réserves en soufre. Cependant, elles ne sont toujours pas commercialisées en raison de certains verrous à lever sur leurs pertes de performances dans le temps. Il est donc urgent de développer une technologie de détection in situ pour déverrouiller la « boîte noire » des batteries, et comprendre en profondeur ce qui entrave leurs cycles de charge et décharge.

Si de nombreuses techniques de caractérisation (cristallographie aux rayons X, spectroscopie Raman…) ont été développées pour étudier les batteries, elles ne peuvent cependant pas être déployées directement dans les cellules commerciales. Les capteurs à réseaux de fibres optiques ont montré leur capacité à combler cette lacune en tirant parti de leur compacité (1 cm de long), de leurs capacités de télédétection, et de leur intégration simple dans les batteries en cours de fonctionnement, ce qui ouvre un véritable « laboratoire sur fibre » pour les batteries, dont le Laboratoire de Chimie du solide et énergie (CSE) du Collège de France est l’un des pionniers majeurs. C’est au sein de cette équipe que Fu Liu a obtenu des résultats de tout premier plan qui viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications sur l’utilisation de capteurs à réseaux de Bragg à fibres inclinés, « TFBG », dans des batteries au lithium-soufre.

Jusqu’à présent, il était possible de suivre en temps réel, à l’aide de capteurs à réseaux de Bragg, des changements de paramètres tels que la température et la concentration du soufre. Cette fois, l’équipe a utilisé des capteurs à réseaux de Bragg inclinés (TFBG), en faisant pivoter le plan du réseau à un angle spécifique, ce qui a ouvert l’accès à un nouveau paramètre, à savoir l’indice de réfraction de l’électrolyte. De cette manière, l’équipe a pu mettre en lumière l’impact majeur de la formation de soufre et de sulfure de lithium (Li2S) sur la dégradation de la batterie.

Les fibres TFBG ont permis de franchir ici une étape cruciale pour saisir les points faibles des batteries au soufre, ce qui ouvre des horizons prometteurs pour les marchés de l’automobile et de l’électronique. Les résolutions temporelles et spatiales exceptionnelles obtenues avec ces fibres ouvrent également de nombreuses perspectives dans des domaines tels que la biomédecine, la détection magnétique et la surveillance des gaz.

Figure
À gauche : immersion d’un capteur en fibre optique « TFBG » dans une batterie au soufre pour suivre in situ la concentration soufre. À droite : décodage de la dynamique de concentration en soufre dans l’électrolyte par un capteur TFBG et de diffraction des rayons X, pour le suivi de la formation de soufre et de sulfure de lithium (Li2S).

 

Fu Liu

Fu Liu

Après avoir obtenu sa maîtrise en 2015 à l’Université de Jinan (Chine) dans le développement d’un biocapteur à base de réseaux de fibres, Fu Liu a réalisé en 2020 son doctorat à l’Université de Carleton (Canada) dans le développement de matériaux à permittivité adaptée sur des fibres optiques. Il a ensuite étudié un brouilleur de polarisation à fibres en tant que chercheur postdoctorant en 2021, avant de rejoindre le Collège de France en janvier 2022, où il développe l’utilisation des réseaux de Bragg à fibres inclinés pour réaliser des mesures chimiques, physiques et thermiques in operando à l’intérieur des batteries, avec une résolution temporelle et spatiale notables. Cela a permis une estimation plus précise de l’état de charge et de l’état de santé des batteries, ainsi qu’une indication de défaillance précoce.

Pour Fu, le RS2E est un réseau très puissant qui accélère la recherche fondamentale et l’industrialisation de nouvelles batteries. « Compte tenu de mon expérience en matière de capteurs à fibres, il est vraiment utile pour mon projet de parler ou de coopérer avec ces membres professionnels ayant une expérience de la batterie, ce qui est un complément indispensable à ma carrière », précise Fu.

« Je tiens à remercier le professeur Jean-Marie Tarascon pour son soutien au fil des années, et à saluer le projet européen « Innovative physical/virtual sensor platform for battery cell » (INSTABAT), programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne ».