Du désordre pour améliorer les performances des batteries sodium-ion
Exploiter le troisième sodium de l’électrode positive Na3V2(PO4)2F3 (ou NVPF) pour augmenter la densité d’énergie des batteries sodium-ion pourrait bien les rendre concurrentielles des batteries lithium-ion. Une équipe de chercheurs du RS2E (Collège de France/LRCS a réussi pour la première fois à activer électrochimiquement ce troisième Na en oxydant NVPF à haut potentiel.
La mise en jeu d’un ion Na supplémentaire dans le phénomène de charge et décharge des systèmes Na3V2(PO4)2F3/C montre une augmentation de 10 à 20 % de la densité d’énergie globale des cellules Na-ion associées, tout en offrant des avantages de sécurité en permettant notamment la décharge de ces cellules à 0 volt sans affecter leurs performances ultérieures.
Leurs travaux ont été publiés dans Nature Communications le 04/02/2019 et sélectionnés par Yaoqing Zhan, éditeur à Nature Communications, comme article d’intérêt.
Dépasser les batteries lithium-ion
Les batteries sodium-ion ont rapidement été pressenties comme une alternative possible aux batteries lithium-ion pour le stockage stationnaire. L’abondance du sodium permettrait d’offrir une solution à moindre frais quand la rareté du lithium tire le coût de production des batteries vers le haut.
Parmi les systèmes envisagés, Na3V2(PO4)2F3/C a retenu l’attention des chercheurs pour sa stabilité cyclique et son taux de puissance supérieurs aux systèmes basés sur les oxydes lamellaires de type NaxMO2. Malheureusement, son énergie spécifique est plus faible (500 Wh.kg-1) que celle des matériaux de type LiCoO2, d’environ 600 Wh.kg-1. Cette étude a permis de partiellement combler le fossé en obtenant une densité d’énergie de 563 Wh/kg.
Figure 1 : Densités d'énergie des échantillons NVPF-2.0, NVPF-2.25, NVPF-2.5, NVPF-2.75 et NVPF-3.0
(basées sur le produit de la capacité de décharge et de leur tension quand les cellules NVPF/Na ont été déchargées à 1.0 V)
Phase « NVPF » désordonnée
En activant le troisième sodium de NVPF, les chercheurs menés par Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et directeur du RS2E, espéraient ainsi augmenter la capacité d’insertion et de désinsertion en ion Na du matériau d’électrode.
Leurs travaux démontrent que cette opération est réalisable par oxydation de NVPF jusqu’à 4,8 V (vs Na+/Na0). Ils ont aussi observé que ce phénomène provoque la formation concomitante d’une phase « NVPF » désordonnée à symétrie tétragonale qui peut insérer et désinsérer de manière réversible près de 3 sodium par cycle. Cette déformation est irréversible car la structure persiste durant le cyclage de la batterie tandis que le degré d’oxydation moyen du vanadium varie entre 3 et 4,5.
Ces modifications de structure et de degré d’oxydation ont été mis à jour par une combinaison de RMN, de DRX et de spectroscopie d’absorption des rayon X (XAS)
L’équipe de recherche a également montré que l’apparition d’un plateau d’insertion à basse tension pourrait être utilisé pour élaborer des cellules sodium-ion dont les performances ne seraient pas affectées par des décharges à à 0 V. Cette découverte ouvre la voie pour un transport et un stockage sûrs des batteries sodium-ion.
Si la compréhension fondamentale de tous les mécanismes mis en œuvre dans le matériau désordonné doit encore aboutir, les découvertes réalisées par l’équipe de J.M. Tarascon peuvent aider à porter plus loin le développement de la technologie sodium-ion.
Référence :
Guochun Yan, Mariyappan Sathiya, Gwenaelle Rousse, Quentin Jacquet, Michael Deschamps, Renald David, Boris Mirvaux, John Freeland & Jean-Marie Tarascon
Nature Communications: DOI : 10.1038/s41467-019-08359-y
Contact : Jean-Marie Tarascon, jean-marie.tarascon@college-de-france.fr
Pour en savoir plus sur les batteries sodium-ion.