Electrocatalyse de l’eau, déstabiliser pour mieux stabiliser
Depuis plusieurs années, la maîtrise et le déploiement des énergies renouvelables est l’un des enjeux majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique. La nature intermittente de ces sources d’énergie nécessite de développer des solutions pour stocker l’énergie produite. L’une des façons de le faire est de la stocker sous la forme d’un vecteur chimique : L’hydrogène. Cet élément peut par la suite être valorisé par des procédés chimiques de transformation tels que la production d’engrais par exemple.
Une piste envisagée pour stocker l’énergie sous forme d’hydrogène est l’électrocatalyse de l’eau, qui à cause de sa cinétique lente nécessite de recourir à des catalyseurs, souvent à base de métaux nobles comme l’iridium et donc coûteux. De plus, en catalyse, l’accroissement de l’activité d’un catalyseur va souvent de pair avec une diminution de sa stabilité.
Pour résoudre ce dilemme, une équipe de chercheurs, dont l’un des membres, Alexis Grimaud, fait partie du RS2E, propose non pas d’essayer d’aller à l’encontre de cette corrélation activité/stabilité, mais de développer des stratégies pour déstabiliser des systèmes inactifs et créer des catalyseurs performants et robustes. Leur travail fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Catalysis.
Déstabiliser une phase inactive pour la rendre active
Des études précédentes avaient montré que certains oxydes de métaux de transition, comme les oxydes de cobalt, se reconfigureraient sous certaines conditions en oxyhydroxydes, stables et très actives en catalyse. Le problème était de comprendre comment permettre la reconstruction de surface qui a lieu.
L’article publié dans Nature Catalysis se penche sur le cas de CoAl2O4, inactif sous sa forme d’oxyde. Les chercheurs de l’équipe proposent de substituer Al avec une petite portion de Fe pour déstabiliser le matériau et favoriser sa restructuration.
Cette idée se révèle payante car cette substitution conduit bien à la formation de la forme oxyhydroxyde. Les chercheurs démontrent en plus, à l’aide de plusieurs techniques analytiques couplées, que la reconstruction de surface est facilitée par la pré-oxydation du cobalt et par la modification des niveaux d’énergie des atomes d’oxygène dans l’oxyde, permettant une plus grande flexibilité structurale.
Figure 1 : Schémas illustrant la reconfiguration de surface de l’oxyde CoAl2O4 et le rôle des cations Fe3+ dans la facilitation de ce phénomène
En poussant leur étude plus loin, les chercheurs montrent que la substitution partielle de Al par Fe conduit à un mécanisme de reconstruction distinct qui rend possible, une fois l’oxyhydroxyde formé, une chimie de surface stable. Fe permettrait même une réaction de déprotonation supplémentaire dans la phase finale qui rendrait certains oxygènes actifs durant la catalyse, et ce à un potentiel plus bas : Ce qui augmente l’efficacité de synthèse de l’hydrogène dans l’eau.
Ces résultats ouvrent la voie à des stratégies alternatives pour contrôler la formation de nouveaux sites actifs dans les oxydes en jouant sur les différentes dynamiques de reconfiguration. Cette méthode pourrait permettre l’élaboration de catalyseurs plus robustes que ceux connus.
Références :
Iron-facilitated dynamic active-site generation on spinel CoAl 2 O4 with self-termination of surface reconstruction for water oxid ation
Tianze Wu, Shengnan Sun, Jiajia Song, Shibo Xi, Yonghua Du, Bo Chen, Warhana Aji Sasangka, Hanbin Liao, Chee Lip Gan, Günther G. Scherer, Li Zeng, Haijiang Wang, Hui Li, Alexis Grimaud and Zhichuan J. Xu
Nature Catalysis, 05/08/19, DOI : 10.1038/s41929-019-0325-4
Contact : Alexis Grimaud, alexis.grimaud@college-de-france.fr / Zhichuan J. Xu, xuzc@ntu.edu.sg