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Un nouvel espoir pour la commercialisation des batteries aqueuses Zn/MnO₂

Pile Zn/MnO2
Gauche : schéma de la pile Zn/MnO2. Droite : interactions entre 
les molécules organiques et l’eau de l’électrolyte, limitant la 
corrosion de l’anode de zinc.

Face à l’urgence climatique et aux enjeux de la transition énergétique, le développement des énergies renouvelables doit s’accélérer. Pour cela, chercheurs et industriels doivent encore résoudre le problème de leur intermittence. Autrement dit, ils doivent mettre au point des solutions vertueuses et économiques pour stocker l’énergie verte (solaire et éolien) quand elle est trop abondante et la restituer lors des pics de consommation. Les batteries à base de zinc (Zn) et de dioxyde de manganèse (MnO₂) sont justement une technologie prometteuse pour répondre à ce défi. Elles présentent en effet de nombreux atouts : faible coût (lié à l’abondance du Zn et du Mn), bonne sécurité d’utilisation grâce à l’électrolyte aqueux, et recyclabilité. Cependant, ces dispositifs rencontrent de sérieux obstacles à leur commercialisation à grande échelle.

La principale faille de ces systèmes réside dans la faible stabilité du zinc en milieu aqueux, qui engendre une corrosion de l’anode, réduisant la durée de vie de la batterie. Pour surmonter cette limitation, Ivette Aguilar, du laboratoire de chimie du solide et énergie du Collège de France (CSE, CNRS/Collège de France/Sorbonne Université), a proposé une nouvelle composition de l’électrolyte aqueux, en y intégrant des molécules organiques. Ces espèces interagissent avec l’eau par des liaisons hydrogène, réduisant ainsi sa réactivité avec le zinc et, par conséquent les problèmes de corrosion. De plus, ces molécules forment une couche d’interface solide-électrolyte (SEI) sur l’anode de zinc, apportant une protection supplémentaire face à la corrosion. Les molécules ont été sélectionnées pour maintenir un électrolyte économique et respectueux de l’environnement.

Les batteries ainsi optimisées atteignent une densité d’énergie de 150 Wh/kg, une capacité de 450 mAh/g(MnO₂), et conservent plus de 90% de leur capacité après de nombreux cycles. Grâce à la robustesse des nouveaux électrolytes, ces batteries sont stables sur une large plage de températures, de -15°C à 55°C, une première pour ce type de dispositifs. Ces avancées ont aussi permis la conception d’une cellule au format cylindrique, démontrant leur potentiel pour une production à grande échelle. 

Les performances des batteries Zn/MnO₂ ont été significativement améliorées dans cette étude. Cependant, certains défis persistent, en particulier la croissance incontrôlée des dépôts de zinc sous forme de dendrites. Ces structures, formées lors des cycles de charge/décharge, provoquent des courts-circuits. Des travaux sont actuellement en cours pour optimiser les interactions à l’interface zinc-électrolyte.

Cette étude, publiée dans la revue Joule, marque une avancée majeure pour les batteries Zn/MnO₂, offrant une alternative économique et écologique aux technologies de stockage d’énergie actuelles. Elle ouvre la voie à des systèmes adaptés aux applications à grande échelle. Avec les recherches en cours pour surmonter les derniers obstacles, cette technologie pourrait devenir un pilier essentiel des solutions énergétiques durables de demain.

 

Source: Aguilar, Ivette et al., A key advance toward practical aqueous Zn/MnO2 batteries via better electrolyte design, Joule, 101784 (2024). DOI: 10.1016/j.joule.2024.11.001

Portrait Ivette Aguilar

Ivette Aguilar : innover pour des batteries durables

Ivette Aguilar, chercheuse au Collège de France, est à l’avant-garde de l’innovation en matière de batteries durables. Originaire du Mexique, elle a choisi la France pour ses études, motivée par une passion pour la chimie et les défis énergétiques. Après un parcours académique en chimie, elle s’est spécialisée dans les batteries aqueuses Zn/MnO₂ lors de sa thèse. Aujourd’hui, elle poursuit ses recherches pour faire de cette technologie prometteuse une solution viable sur le marché.

« Convaincue que les batteries Zn/MnO₂ ont une place à se faire », Ivette Aguilar s’est engagée dans un projet ambitieux : développer une start-up pour commercialiser ces batteries. Avec le soutien du CNRS Innovation et du Réseau sur le Stockage Électrochimique de l'Énergie (RS2E), elle travaille sur un prototype capable de fournir 1 Ah d’ici fin 2025. Ce projet vise des applications stationnaires, où cette technologie abordable et sûre pourrait remplacer des solutions moins adaptées aux enjeux environnementaux.

Pour Ivette Aguilar, la diversité des technologies est essentielle pour répondre aux besoins variés du marché. « La batterie parfaite n’existe pas », souligne-t-elle, rappelant que chaque innovation contribue à élargir les possibilités. Cette conviction guide son approche, axée non seulement sur la performance mais aussi sur l’impact environnemental.

À terme, elle envisage de lever des fonds pour une production à plus grande échelle. Ce projet ne représente pas seulement un défi technique, mais aussi une opportunité de repenser la manière dont nous stockons et utilisons l’énergie. Ivette Aguilar incarne cette génération de chercheurs qui allient expertise scientifique et vision entrepreneuriale pour relever les défis énergétiques mondiaux.