Un transfert de charge à l’origine de l’hystérèse
La transition de nos sociétés vers un monde décarbonné est bel et bien engagée. Parmi les enjeux que ce constat soulève, la question de l’énergie et de son stockage occupe une place importante. Les batteries, notamment Li-ion, sont aujourd’hui vues comme la technologie la plus mature pour relever les défis attendus. Malgré leurs bonnes performances, les chercheurs et les industriels souhaitent encore pouvoir augmenter la densité d’énergie des matériaux pour répondre aux exigences élevées des utilisateurs, en particulier dans le domaine de la mobilité électrique.
Depuis plusieurs années, les chercheurs s’intéressent au potentiel des matériaux de type Li-rich dont la structure type est Li1+xTM1-XO2. En effet, ces matériaux en raison d’un mécanisme original nommé redox anionique présentent une densité d’énergie théorique plus élevée que les matériaux classiques. Malheureusement, en pratique, la commercialisation de batteries intégrant des matériaux de ce type est compromise par une cinétique incertaine, une chute de potentiel marquée et un phénomène d’hystérèse.
Si la communauté des batteries accepte l’idée que la chute de potentiel est due à la migration irréversible des cations dans les matériaux Li-rich, les débats sont beaucoup plus vifs quant à l’origine de l’hystérèse. L’explication par la migration irréversible cationique est aussi avancée dans ce cas mais elle se révèle insuffisante. Na2RuO3 en est par exemple un contre-exemple : Le matériaux est le siège d’un phénomène d’hystérèse sans pour autant présenter de migration cationique.
Dans un article paru dans Nature Chemistry, une équipe internationale coordonnée par le Pr Jean-Marie Tarascon propose justement une explication pour l’origine de ce phénomène et propose quelques pistes pour l’atténuer.
Les chercheurs montrent que l’hystérèse serait en fait due à un transfert de charge cinétiquement lent entre les atomes d’oxygène (O) et les atomes métalliques (M). Cette explication a le mérite de pouvoir s’appliquer de manière plus universelle aux matériaux Li-rich que les hypothèses précédemment mises en avant tout en évitant un trop grand nombre d’exception. De plus, l’étude discutée ici montre que l’hystérèse augmente avec le degré de polarisation des liaisons M-O. En bref, l’intensité du phénomène est plus prononcée avec les systèmes ioniques.
En se basant sur ces conclusions, l’équipe du RS2E propose deux solutions pour atténuer l’hystérèse. La première est d’accroître la covalence des liaisons M-O ou d’utiliser des anions moins électronégatifs, c’est-à-dire S ou Se à la place de O. La deuxième option serait de jouer sur la structure locale de l'électrode pour transférer directement les électrons de l'oxygène sans impliquer des espèces intermédiaires cationiques, ce que les chercheurs font actuellement.
L’étude et ses conclusions sont à retrouver en détail ici.