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Batteries lithium-ion : lever le voile sur le rôle de l’oxygène

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Représentation schématique du mécanisme de génération de l’oxygène moléculaire O2 dans les batteries Li-ion

 

L’essor des voitures électriques a multiplié la demande pour les batteries lithium-ion. Il est donc essentiel d’optimiser leur autonomie, leur longévité, et leur rapidité de recharge. Ces performances dépendent notamment des électrodes, lieux de réactions d’oxydoréduction, capables de stocker et libérer l’énergie des batteries. Parmi les avancées récentes, le rôle de l’oxygène dans ces électrodes est devenu un enjeu crucial, et source de controverses parmi les chercheurs. Une étude récente menée par Xu Gao, du laboratoire de chimie du solide et énergie du Collège de France (CSE, CNRS/Collège de France/Sorbonne Université), permet de résoudre ces débats en apportant de nouveaux éléments sur les phénomènes chimiques liés à l’oxygène dans ces matériaux.

Récemment, des chercheurs ont détecté par des études spectroscopiques la formation d’oxygène moléculaire (O2) piégé dans les électrodes riches en lithium. Leurs analyses les ont conduits à avancer l’hypothèse que cette espèce pouvait être responsable de phénomènes indésirables tels que la perte de tension, une faible efficacité énergétique, voire une dégradation des matériaux. Cependant ces résultats, présentés dans des revues prestigieuses (Nature, Science, Joule, ...), ont été le sujet de controverses. Ce manque de consensus questionnait l’interprétation des mécanismes électrochimiques en jeu dans les électrodes et sur l’impact réel de l’oxygène.

Pour lever ces doutes, Xu Gao et ses collaborateurs ont mené une analyse approfondie en utilisant la diffusion résonante inélastique des rayons X (RIXS) sur le site de l’installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF). Les résultats, confirmés par des approches théoriques, révèlent que le signal associé à l’oxygène moléculaire n’est pas exclusif aux électrodes à oxydes riches en lithium. Il apparaît en effet également dans les matériaux stœchiométriques, c’est-à-dire les matériaux où les proportions d’oxyde et de lithium sont égales, utilisés aujourd’hui dans les véhicules électriques. Ces résultats remettent en question l’idée que l’oxygène moléculaire piégé est généré par les réactions électrochimiques des batteries et qu’il est responsable des phénomènes de chute de tension ou de leur efficacité énergétique limitée. Les chercheurs déduisent que la formation de O2 est assistée par l’interaction entre le matériau et le faisceau RIXS utilisé lors des analyses. Autrement dit, la méthode de détection elle-même génère l’oxygène moléculaire, expliquant ainsi les différences observées entre diverses études.

En clarifiant l'origine de l'oxygène moléculaire, cette étude permet de dissiper une confusion persistante et d’orienter les recherches vers des pistes plus pertinentes pour l’amélioration des batteries. Plutôt que de se focaliser sur l’oxygène piégé, les efforts pourraient être redirigés vers l’étude des interactions entre l’oxygène et les électrodes, pour optimiser leur stabilité.
Ces travaux illustrent l’importance de la rigueur méthodologique et de l’interprétation prudente des résultats expérimentaux. Ils offrent une nouvelle compréhension des mécanismes à l’œuvre dans les batteries lithium-ion et ouvrent des perspectives pour le développement de systèmes de stockage plus performants et durables pour la mobilité électrique.

 

Par Chloe Simha

Source : Xu Gao et al., Clarifying the Origin of Molecular O2 in Cathode Oxides, Nature Materials, (2025).
DOI: 10.1038/s41563-025-02144-7. 

 

Portrait

Xu Gao : Comprendre l’électrochimie pour façonner les batteries de demain

Xu Gao s'est intéressé au stockage de l’énergie lors de ses études en Chine, à travers un projet sur les batteries au phosphate de fer lithium (LFP). Fasciné par ce domaine en plein essor, il a ensuite rejoint le Collège de France pour collaborer avec le professeur Jean-Marie Tarascon. « J’ai lu plusieurs de ses articles pendant ma thèse et je voulais apprendre à conduire une recherche de pointe », explique-t-il. 
S’adapter à la recherche en France a représenté des défis : « Il m’a fallu environ six mois pour me sentir à la hauteur des exigences attendues. » Cependant, ce changement d’environnement s’est avéré enrichissant. Il a particulièrement noté des différences dans la façon de formuler et d’aborder les problématiques scientifiques.

Les travaux actuels de Xu Gao portent sur la compréhension des mécanismes chimiques fondamentaux à l’œuvre dans les batteries lithium-ion. Selon lui, les efforts futurs sur ce type de batteries devraient privilégier les enjeux de durabilité plutôt que la performance, qui est déjà bien optimisée. Il insiste également sur l’importance de la collaboration scientifique pour relever les défis économiques et industriels. « En recherche, nous repoussons les limites de la science par la collaboration, tandis que dans l’industrie, la concurrence peut stimuler ou bien freiner le progrès. Il est essentiel de trouver des moyens de mieux travailler ensemble. »

Son dernier article remet en question des hypothèses établies sur le rôle de l’oxygène dans les batteries. « Notre étude va à l’encontre de l’opinion générale et ne prend pas pour acquis les affirmations précédentes. » Il espère que ces travaux susciteront de nouvelles discussions et contribueront à une meilleure compréhension de mécanismes électrochimiques des batteries lithium-ion.